Je sors de chez moi et m’installe sur un banc dans un parc pour enfants où perpendiculairement à moi, un couple triste regarde des enfants jouer dans le bac à sable, sans s’apercevoir qu’ils sont observés avec envie par un jeune homme, sans doute célibataire. J’observe plus attentivement la forte tête blonde qui est en train de défier sa mère en surenchérissant dans ses bêtises. Cinq minutes après s’être pris une fessée pour avoir détruit le château de son voisin de jeu, le voilà qui recommence volontairement, presque fièrement, avec morgue, vérifiant bien qu’il est vu par l’autorité maternelle. Il lance maintenant du sable dans les yeux des autres bambins, tentant de grossir sa faute jusqu’au point où la tarification applicable pour sa petite méchanceté ne puisse plus tenir selon les mêmes proportions, comme si, tentant d’obtenir un prix de gros il désirait faire passer dans l’élan quelques fautes non-payées, une économie d’échelle du mal. Ou, plus subtilement, faire son geste si grave qu’il ne puisse être puni, poussant ainsi sa mère au défi : « alors, maintenant, tu devrais m’arracher la tête pour rester conséquente …ou me gracier ». Et il présente son cou, sûr qu’il ne recevra pas le coup. Sans doute va-t-il être puni, et elle sera obligée de le rentrer pour cesser d’être la mère honteuse de sa progéniture aussi asociale, probable victime imminente des plaintes des autres parents. Une fois rentrés chez eux, il pourra reprendre son petit jeu : dans quels types de relations sont pris ces deux êtres qui devraient s’aimer et se protéger mutuellement ? Quelles caresses réclame cet enfant ? Sans doute obligé de se faire battre pour sentir la main de sa mère sur son corps.