Nous empressant de rejoindre l’endroit où tout se passe, moi-même arrivant après les autres, pour ne pas être en leur compagnie, conformément aux instructions que je viens de recevoir et que je vais dès lors appliquer, ce à quoi nous assistons est tout simplement stupéfiant. Désireuses de prouver aux paysans que les travailleurs de la ville ne sont pas les fainéants que les travailleurs de la terre peuvent imaginer, elles ont lancé une chaine dans les locaux qui sont entre leurs mains, et montrent sous nos yeux éberlués le rythme auquel l’infâme Samuelian voudrait faire travailler les pauvres femmes. Cette démonstration nous laissera sous le choc, et lorsque je rejoins le plateau, de nuit, en compagnie d’un des paysans qui a gentiment accepté de me monter pour que je rejoigne ma ferme “d’affectation”, elle est encore en nos esprits.

— Ce n’est pas possible ces cadences, me dit-il écœuré. C’est de l’esclavage ! On n’a pas le droit de traiter des êtres humains de la sorte ! Même nous, on traite nos brebis mieux que ces exploiteurs ! Mais pour quelle société on travaille ? Quelle société on nourrit…

M’interrogeant sur ma présence ici, seul avec une valise et aucun moyen de locomotion entre la ville et le plateau, il s’étonne que des Parisiens viennent encore et toujours les soutenir. « Mais ça fait chaud au cœur de vous savoir à nos côtés ». « Malgré tout » a-t-il sourdement dit ; du moins, moi, je l’ai entendu. Il y aura du travail pour tisser toutes les énergies de la société future, mais un soir comme celui-ci y contribue.

Une nuit à dormir dans une grange improbable, en compagnie de ma valise et de quelques personnes que je ne connais pas. Me voilà arrivé au bout de ma descente au Paradis.