Les parents étaient partis pour le week-end, une aubaine. Il n’y avait que nous quatre dans l’appartement du cinquième étage, avec vue sur la Tour Eiffel, de loin mais quand même, qui buvions du whisky, un couple discutant, moi et sa copine, l’autre s’embrassant fougueusement sur le canapé. Un cauchemar. J’avais envie de frapper, de vomir, de baiser, de partir, de crier, de chanter, j’étais furieux, enivré et jaloux, presque toute ma fierté s’en serait allée si pour quelques supplications, pour une humiliation le beau gosse m’avait laissé sa place, qu’elle eut accepté ce changement, mais rien de réel à tout ceci. Je sentais peu à peu que le type avait compris ma jalousie et que désormais il en jouerait ; Ambre aussi avait dû avoir vu mon désir pour une autre qu’elle, et j’amenuisais peu à peu mes chances de la sauter en compensation ; seule ma bien-aimée en question semblait n’avoir rien remarqué, trop aspirée par la contemplation de son stupide Apollon.

Celui-ci s’est mis à mettre de la poudre sur la table et à faire quatre petits rails.

— Pas moi, dis-je.

Il eut un sursaut d’épaules, et me fixa :

— T’es con, c’est super !

Et ils ont consommé ça tous les trois, y compris ma poupée diaphane, si fine, si timide, que je n’imaginais incapable de telles choses. Après quelques minutes durant lequel j’étais sans doute plus shooté qu’eux, mais à l’amertume et la déception, je me souviens parfaitement le clin d’œil qu’il m’a fait lorsqu’il est entré, lui, dans sa chambre à Elle, et qu’ils nous laissaient une fois de plus tous les deux. Je la vois franchir la porte, dans ses bras, à ce moment précis j’ai envie de lui hurler de ne pas faire ça, que si elle recule je l’épouse, que je l’aime, mais mon cri reste coincé dans la gorge, il y a alors ce clin d’œil, il me nargue, il sait, il est le seul à entendre le cri qui n’adresse pas à lui, il ne la désire pas plus qu’une autre mais elle est belle et il ne laissera pas passer l’occasion.

Nous sommes restés seuls, il n’y avait plus rien à se dire. J’étais dans le salon, décoré d’un très bon goût, de ceux que j’aurais aimé faire mes beaux-parents, avec une fille que je connaissais à peine, pendant que celle que j’aimais, droguée, obnubilée par un type sans coffre, s’envoyait en l’air à quelques mètres d’ici.

Il fallait faire quelque chose pourtant de peur d’avoir la preuve sonore de ce que nous redoutions tous deux, tout en étant sûr qu’elle se passait. C’est moi d’abord qui l’ai embrassée, maladroitement, juste pour lui dire, que c’était parti. Elle était elle aussi résolue à la situation, nous n’étions pas mal l’un pour l’autre mais ce n’était pas le mieux. Nous avons terminé nus sur le canapé, avec mon pull en dessous pour ne pas salir. Il n’y eu pas de tendresse mais un plaisir vengeur, une fougue infernale. La pudeur était restée dans la salle de concert, elle y dansait encore sans nous. Je lui donnais donc toute ma colère, et j’aurais voulu qu’elle crie autant de mal que de plaisir. Ce beau corps donné pour rien, ou comme la poubelle pour tous les déchets de mon désir envolé dans les bras d’un autre.

Puis nous n’étions plus que deux viandes essoufflées et trempées autant de misère que de sueur, moi par terre, elle me surplombant à côté. C’est elle qui est revenue à la (dé)charge, je savais bien que je ne devais pas y retourner, que tout s’était transformé en haine, que je sentais l’injustice devenir intolérable, qu’un frein s’était rompu en moi. Mais c’est elle qui revint à l’assaut sauvagement, comme si je ne lui avais rien fait, comme si je n’étais même pas bon à satisfaire un second rôle. Elle