L’avion se pose. Lorsque les passagers se lèvent et sortent, ils ne s’aperçoivent pas que la chrysalide d’un être humain git dans l’avion. Tu restes là moi de Paris, tes déchets de peau peuvent bien faire le chemin retour ou être nettoyés. Moi IV – Phénix renaissant des cendres de moi l’enfant poète, de moi le prisonnier puis de moi le coupable purifié par l’eau, le temps et la distance – va fouler un nouveau sol.

Je suis le dernier à sortir de l’avion. Mes souvenirs me font des grimaces et qu’importe. Ils sont juste jaloux de ne pas m’accompagner plus loin. Qu’ils meurent dans les flammes de l’oubli, qu’ils se tortillent et n’existent plus ! Je ne garde avec moi que l’amour filial et quelques mots libérateurs.

La lettre je l’ai laissée dans un coffre où elle ne s’abimera pas. Elle peut même bien disparaître, personne ne pourra faire qu’elle n’a pas existé. Elle irrigue ma vie comme mon sang mon corps. Et je n’ai pas besoin de l’avoir sous les yeux pour en connaître la fin, celle qui m’arracha tant de larmes et de bonheur. Elle disait :

Le Temple physique, comme Israël, pourront toujours être détruits s’ils sont de pierre et de terre ; mais s’ils sont d’amour et de persévérance, alors ils seront reconstruits sept fois soixante-dix-sept fois dans nos cœurs, en déplaisent à tout ceux qui voudraient nous faire arriver à haïr. Jésus écrira mille fois dans le sable et mille fois encore il se retrouvera seul avec la femme adultère. Elle n’aura sans doute pas toujours la même chance que dans l’Evangile, car certains ne sauront pas scruter leur âme et se permettront de la blesser. Le premier lance et les autres suivent en bons moutons. Toujours le Juste sera là pour la sauver et la soigner. Et jamais il ne prendra la pierre jetée pour les violenter à son tour. Non, vous ne nous aurez pas.

Alors nous voilà au bout de nos peines, alors oui, du fond du cœur, dans un acte qui te lie définitivement à moi en même temps qu’il te délie, t’engage devant moi en même temps qu’il efface la dette, et dont je ne peux n’exiger de toi rien d’autre que le souvenir et la promesse de faire à ton prochain ce que quelqu’un a fait pour toi, voulant ainsi créer un cercle vertueux qui se rompra, mais qu’importe, il faut se battre contre les moulins à vent, et s’il le faut contre le vent lui-même, ainsi donc, après tout, voilà que je te pardonne.

Et maintenant ça commence vraiment !