2.1. J[uan]’ai du mal à penser qu’Allende ait pu se suicider. C’est impossible. Dès lors que la légalité était renversée il devenait un soldat, sans doute le chef des Armées …du Chili. Ou peut-être d’une faction contre une autre dans un moment où le pouvoir n’est dans les mains d’aucun des deux groupes, l’un incarnant le respect de la constitution tout en étant minoritaire, et l’autre la majorité qui s’octroie le droit de ne pas respecter les règles qu’elle s’était pourtant données. En tout cas, à partir du moment où la Moneda était attaquée, il devenait un guerrier et devait guider ses troupes, et quitte à mourir, que ce soit armes à la main ! Peut-être ne voulait-il pas ce sang… Le monde est-il seulement peuplé de lâches qui abandonnent le combat dès lors qu’ils le savent perdu ? Reste-t-il des hommes qui ont la force d’affronter yeux dans les yeux le regard de leurs juges, capables de supporter le poids du mépris et de contre-attaquer jusqu’à ce que les masques tombent, que le justicier soit pris lui-même dans la gadoue de ses propres errances. Y’en a-t-il encore qui soient fiers de leurs idées et soient capables de les défendre sans chercher d’excuses, sans regrets, indifférents face à la mort, au-delà des jugements humains ? Et moi qui demande à Jean de trahir ses amis… J’ai usé de tous les arguments rhétoriques que j’ai trouvés pour qu’il choisisse de vivre, mais au fond… ne serait-il pas plus noble qu’il soit conséquent ? Que serait-il s’il parle ? Avec quel boulet de honte devra-t-il marcher dorénavant s’il choisit la vie comme les esclaves grecs. Mon vieil ami, je ne sais même pas ce que je te souhaite… aurais-je dû t’apporter de la ciguë ou du cyanure pour que tu sauves ton honneur ? Un soupir.
2.2. Ou était-ce un deal avec Castro ? Une stratégie de mythification avec la Havane à la baguette ? Allende étant plus utile mort que vivant ? Le sacrifice d’Allende, comme celui de Jésus, devant créer la nouvelle religion après sa mort. Ou du moins entretenir la flamme. Guevara, Overney, Allende : même combat !
2.3. Je repense à Augusto, devenu grand chef d’une Junte… sans doute mal dans ses bottes désormais, obligé de se cacher à lui-même, derrière une arrogance de façade, le fait d’avoir trahi son chef, Prats, et de se savoir désormais à la tête d’une bande de voyous. Il doit être mort de trouille puisque les équipes de voleurs n’ont jamais un grand avenir, car, s’ils ont eu le courage de prendre la force contre la légalité, qui les empêche d’en user les uns contre les autres ? Il va falloir qu’il montre qu’il est le chef, il devra faire du zèle, lui le converti de la dernière heure, pour que les premiers complotistes ne se disent pas qu’ils méritent plus que lui d’être califes… des généraux qui chassent d’autres généraux en Amérique du Sud ce n’est pas comme si ça ne se produisait pas régulièrement… Il faudra qu’il donne des gages, qu’il soit bien viril, qu’il rassure la droite en mettant ses couilles sur la table.
2.4. Salvador, Jean, Augusto, Fidel, j’ai du mal à penser, en fait…