§1. Je vais au garage avec une certaine excitation. J’ai beau me penser détaché de la société de consommation, adepte caché de Jean Baudrillard, je n’en suis pas moins heureux de recevoir ma voiture. Pensez : une Peugeot 504 cabriolet rouge, avec moteur 2 litres de 11 CV, quatre roues indépendantes, ceintures de sécurité à l’avant, boîte automatique, panneaux de custode percés d’ouïes de sortie d’air et un rétroviseur extérieur… Vitesse maximale : jusqu’à 189 km/h ! Consommation : seulement 11 litres aux 100 km ! Puis avec la hausse de 1000% du prix des voitures depuis l’arrivée de l’UP au pouvoir, s’acheter une voiture est un signe de réussite matérielle indéniable, une prouesse. Comme quoi on a toujours raison d’être copain avec son banquier, mon bon Domenico n’est pas totalement étranger à cet exploit…

Au fond, ce n’est tant la mécanique de ma voiture qui m’impressionne et me réjouit : il faut même avouer que je n’y connais rien et que le cambouis me répugne. Je vais la bichonner une semaine et puis me lasser ; depuis le temps, je me connais. C’est la liberté qu’elle m’offre qui me grise. Sans une voiture un Nord-américain n’est rien ; un Chilien est quand même beaucoup plus lorsqu’il peut s’émanciper des transports en bus, de leurs grèves, de leur lenteur, de leur inconfort partagé, de leur trajet fixe et de leurs horaires contraignants. J’ai donc désormais une voiture, après un voilier, je suis un homme libre.

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