1er mai, le soir. Tard. Hier Mme Massebiau, une étudiante et un professeur ont été arrêtés pour « espionnage, vol de matériel militaire et délit de fuite », alors qu’ils traversaient la zone militaire, comme d’habitude et conformément aux conventions de libre accès, pour se rendre à la Cavalerie. Pendant qu’ils restaient en garde à vue, en cette journée des travailleurs, nous avons parcouru une fois de plus les 20 km qui séparent le plateau à la ville, pour aller défiler avec les ouvriers, dans les rues de Millau. Nous savions les hommes énervés et les femmes indignées, mais les manigances n’ont pas eu l’effet escompté. Votre harcèlement n’est qu’un pétard mouillé, petits gradés de pacotille, ne nous croyez pas si bêtes ! Et si c’est une intimidation, elle est pitoyable ; elles nous renforcent peut-être, plus que de nous user. Vous croyez nous émousser, vous nous affutez ! Vous avez des armes, beaucoup, des grosses, des « brillantes », des qu’il faut lubrifier souvent pour le plaisir qu’on ne sait pas donner autrement, nous n’en avons aucune ; mais nous sommes forts et vous demeurerez impuissants.

Car l’ascèse non-violente expliquée par Lanza del Vasto – il y a tout de même pas mal de choses que les gens du coin ont retenues des soirées passées avec le saint homme, au-delà d’un certain charabia mystico-ésotérique que les paysans n’ont de cesse de souligner à chaque fois qu’ils m’évoquent ces souvenirs – reste le cap que tout le monde suit, ici. « Nous ne casserons rien, ne molesterons personne, plasticages et enlèvements ne sont que des techniques de narcissiques en mal de reconnaissance », a dit Guy, et, même si cela allait à l’encontre des camarades, je n’ai pu m’empêcher, sur le coup, d’être d’accord avec lui. Je n’ai pas changé en un petit mois, c’est juste que, sorti des carcans du pensable de mon groupe de référence, je peux maintenant laisser libre cours à des opinions que je n’avais le droit d’avoir que semi-clandestinement, à Paris.

Bande sonore : Léo Ferré, « Des armes » [1969].

Mais chanté par Noir Désir en 2002.

Evidemment, ce n’est pas un hasard si Bertrand Cantat se retrouve associé, même de manière si fortuite,  à ce roman… (et que ceux qui ont des oreilles entendent)