Monsieur,

Vous pouvez imaginer ce que me coûte le fait de vous écrire, tant j’ai honte de m’adresser à vous. J’imagine aussi la difficulté que vous avez à me lire, et je vous prierais de bien vouloir m’excuser de refaire surface dans votre vie. Je tâcherai de ne pas m’étendre trop longuement.

Pourtant je pensais que votre adresse inscrite au dos de l’enveloppe que vous m’aviez donnée cet étrange jour, et dont j’ai tenu à vous restituer la totalité de l’argent qu’elle contenait, constituait un signe indiquant que je pouvais le faire.

Je me suis donc permis cette liberté qui m’est sûrement aussi pénible qu’elle peut vous l’être. A vrai dire je me sentais presque obligé. Au pire, je sais que vous déchirerez cette lettre, et sans réponse de votre part je vous promets de ne jamais plus vous déranger.

Il y avait cet argent à vous rendre, qui me brûle les doigts et m’enfonce comme un poignard dans le cœur, celui avec lequel je n’ai jamais osé m’ôter la vie, ce qui n’est pas faute pourtant d’y avoir pensé dans des moments d’errance. Je ne comprends pas votre geste, aussi singulier que nous nous battions ne serait-ce qu’une demi-heure plus tôt.

En espérant ne pas vous avoir importuné par mon entreprise.

Cordialement,