§7. Santiago. La voiture est chargée, brillante, la clef tourne, le moteur démarre, la route est ouverte direction Valparaíso. Le macadam est nouveau, comme la voiture, ils semblent s’entendre. Plus ça va vite, jusqu’où plus ?, plus je prends du plaisir, et qu’importe le rodage, il parait que j’ai enfanté à mes premiers coups de fusils alors qu’ensuite, après bien des batailles, rien n’est sorti vivant de mon corps : si ma voiture est la mienne elle doit aussi commencer sur les chapeaux de roues. Il faut dire aussi que j’ai importé des toutes nouvelles cassettes chrome d’Europe et que, avec l’impression d’être seul au monde dans la nuit qu’éclairent à peine les phares de mon engin, “Riders on the Storm” des Doors me fait perdre l’idée du temps et de la vitesse. Aucune tempête évidemment à signaler, mais sortir de Santiago et de son bruit est un peu comme échapper au cataclysme lent, moins visible, plus profond, des événements en train de tirer le pays vers le bas. J’ai laissé les photos de Jean entre de bonnes mains, je suis sûr de le retrouver à mon retour. Je peux laisser ça de côté et n’être rivé que sur les lignes de la route, heureux comme un enfant, c’est presque dommage que je n’aie qu’un peu plus de cent kilomètres à faire.