A qui la poursuit
la luciole
offre sa lumière

Ôtomo Oemaru, Anthologie du poème court japonais

§4. Tu demeures là devant la fenêtre, il faisait jour quand tu t’y es posté, il n’est déjà plus aussi clair et tu n’as pas bougé. Les lumières strient à présent ton visage mais ne te caressent pas, ne te consolent pas, tu écoutes le vide et la perspective, assommé, front collé contre la vitre et empli d’une délicieuse tristesse. Tout est inscrit en toi, avec elle partageant le même espace, puis la même discussion, multiples récidives, nous nous installons peu à peu dans les pensées l’un de l’autre, je place un sourire, elle case une réplique, la fréquence des rendez-vous augmente, nous nous quittons de moins en moins, et pas vraiment, puisqu’on ne dit plus ni au revoir, ni à bientôt, ni à quand, mais à demain, normalement. Normal tous les jours et tous les lendemains de nos deux vies déjà parallèles et toujours plus proches. Et enfin… cette soirée d’une joie contenue au milieu d’une ambiance de lobotomie, comme elle est heureuse, entourés d’amis superflus, ses regards te happent, tu la dévores, comme tu puises en elle la joie qui masque tous tes doutes, rythmes fous et les corps se rapprochent, s’appellent, elle t’invite à entrer plus loin dans la conversation, puis chez elle, tu es assis au milieu de son quotidien, elle te sourit et ne semble rien regretter, te guide jusqu’à son intimité, puis en elle, naturellement, c’est une nuit à vous suspendue au-dessus du monde des autres, des contraintes et des conséquences, c’est le désir-roi au deuxième étage d’une grande maison, dans un quartier presque entièrement endormi, tendre désordre, amour et volupté.

Une vie vaudrait d’être vécue ne serait-ce que pour ces quelques minutes-là, essence pure de l’existence, les lendemains c’est de l’eau pour diluer, pour que les fragiles ne meurent pas d’une crise, d’un trop plein, comme les rétines rompent devant la simple exposition directe au Soleil, je l’ai contemplée en ma possession, m’y suis-je brûlé ?

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