§8. Je suis rentré de Valparaíso, enfin. Cristina m’a préparé un bon repas, la table est dressée, el chiquito dort.

— Je vais l’embrasser et j’arrive.

Son souffle est sonore dans sa chambre, il est profondément en train de voyager dans ses rêves. Je dépose un baiser sur son front. Fragile petite chose vivante. Papa est militaire, hijito. Il va te défendre. Il ne va pas laisser le pays dans les mains des marxistes. Papa va t’offrir un avenir. Dors bien, mon petit, tu n’auras même pas de souvenirs de ce cauchemar éveillé que nous vivons, nous. Lorsqu’on te racontera, tu ne nous croiras pas. Et pourtant il faudra nous faire confiance pour ne pas être tenté à ton tour par les mêmes bêtises si aguichantes. Dors.

— Ça sent bon, ma chérie.

— Je t’ai fait ton plat préféré, Edgardo. Mais d’abord on trinque. A quoi trinque-t-on, alors ?

— A mon entrée au service de l’Etat. Mieux. A la défense du futur Etat chilien débarrassé des maladies qui sont en train de le tuer !

— Oh, c’est formidable ! Je vais avertir mes parents, je suis tellement fière, mon bâtisseur d’avenir !

— Il y aura une force spéciale de “décontamination”. Je me suis préenrôlé. C’est encore vague, mais tu ne devras pas en parler, et je ne t’en dirai pas plus. C’est important. Un vrai poste de confiance. Mais secret. Secret d’Etat.

— Mmm. Secret d’Etat… Tu vas commencer fort. ¡Que venga un Chile nuevo!

— Au nouveau Chili !

— Et quand est-ce que tout cela prend fin, mon amour ?

— Bientôt.

(Dans une semaine.)

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