Paris 14ème arrondissement, journée grise. Je viens de franchir la dernière porte de la prison et me voilà mis dehors. J’ai bien demandé à mes proches – des parents, une sœur, quelques éventuels camarades – de ne pas venir me chercher. Je voulais rentrer par moi-même. Et puis il fallait surtout être seul, comme je l’avais promis, au cas où il viendrait.

Or, je suis dans la rue et il n’est pas là. Comme je l’attends, un passant me dévisage

avec tristesse, croyant que j’attends quelqu’un dont j’espèrerais l’arrivée, comme un enfant à la sortie de l’école qui aurait été oublié par un de ses parents.

avec étonnement : ne doit-on pas vite partir de cet endroit pour se mêler à la foule des gens libres en leur laissant le moins de temps possible de vous identifier comme ex-taulard ?

Je lui fais un sourire pour lui montrer que ce rendez-vous raté est peut-être ma chance de vivre encore et qu’il n’a rien de négatif. Il se dira sans doute que je veux sauver la face en niant l’évidence. Qu’importe ! Dans l’impossibilité de lui expliquer, il devra rester avec sa fausse version des faits ; on vit souvent ainsi en rêvant le monde qui nous entoure, bien que s’imaginant le connaître.

Des gens passent autour de moi. Je ne converse qu’avec une cigarette d’attente. Puis, immobile, je me tiens prêt, mais à rien. Si bien qu’au bout de quelques minutes je commence à croire que cette attente est vaine. Je m’en vais alors prendre un café “À la bonne Santé”, pour attendre encore un peu, au cas où il aurait du retard ou ne voudrait pas me rejoindre en étant vu dans la rue. Pour quelle précaution inutile ? Il suffirait d’un signe de la tête pour que je le suive sans rien dire. En tout cas, il parait qu’ils font le meilleur café de Paris dans ce café, surtout en ces jours-là. Vérifions.