Dans l’Antigone de Sophocle, Créon a raison, Antigone n’a pas tort.
L’un tuera l’autre sans le vouloir et l’autre acceptera sa mort.

Mais imagine-toi le maréchal Pétain, le héros de la Première Guerre Mondiale mis à la tête de la France pendant que les autres sont allés se planquer en Angleterre, imagine-toi le général Pinochet, devenu commandant des armées à la place du général Prats, qui, bien qu’il n’eût pu faire autrement, a laissé sa charge à son fidèle second en espérant que celui-ci puisse tenir bon jusqu’au 15 octobre 1973 (une éternité dans un Chili divisé et au bord de la rupture, alors que Salvador Allende lui-même veut quitter le pouvoir qu’il ne tient plus pour le donner à Prats…), imagine-toi ces deux hommes – quoi qu’ils deviennent ensuite –, mets-toi à leur place au moment de la décision, en son soir, en son lendemain déjà fatigué, imagine-les en Créon là pour du vrai : ah, qu’il est moralement facile d’être Antigone !