Publié en 1992, le roman Santiago est un mauvais livre qui met en scène un journaliste mis à la porte de sa radio (Radio Capitale), en 1973, et qui décide de quitter l’hôtesse de l’air qu’il baise actuellement, son métier et Paris, pour le Chili. Où son oncle basque possède une propriété, près de Temuco, plus précisément, et où il avait passé des vacances plus jeune, rencontré une belle Katicha, puis réalisé un reportage qui lui avait permis de revoir Katicha et de la baiser avant qu’elle ne se marie. Le journaliste ressemblant étrangement à l’auteur, remercié lui aussi de Radio France en 1991, et qui lui aussi a été au Vietnam plus jeune, au cours de sa carrière, Mauriac a semble-t-il mis quelques souvenirs personnels.

Jusqu’à la page 174 on est en pleine telenovela dans laquelle les atermoiements amoureux d’un bourgeois français et d’une belle franco-chilienne dans les terres des défricheurs basques servis par des Mapuches exotiques eux-mêmes surveillés par des volcan en rut, nous occupent tant bien que mal, bien que, pour être franc, on se contrefiche un peu de tous ces personnages qui n’existent pas1. Puis trente militants du MIR apparaissent. On se souvient tout d’un coup qu’on est en pleine période de l’Unité Populaire, ce que le journaliste “défroqué”, trop occupé par le doux minois de Katicha, ses rancunes parisiennes et les bons plats de sa nouvelle tante Adèle (son oncle ayant perdu sa femme Hortense) semblait ne pas s’être rendu compte. Il était arrivé à l’aéroport Arturo Benítez, s’était rendu au centre de Santiago, à l’ambassade de France au Chili, pris le train jusqu’à Temuco et rien ne lui semblait intéressant à raconter alors de ce que ces indigènes de Chiliens étaient en train de vivre, ces histoires de boulot et de cul étant évidemment bien plus importantes à raconter.

Heureusement, une Chilienne amie de la famille et devenue adulte puis professeur de français, se laisse baiser facilement par ce beau gosse de Tauriac irresistible dans les champs de l’oncle, et voilà le journaliste fictif emmené à Santiago pour y vivre un peu l’effervescence d’une révolution catastrophique. On est à la page 184 et le titre du roman va enfin être un peu justifié qui aurait pu jusqu’ici s’appeler Romances à Los Laureles.

Malheureusement, l’arrière-plan politique est traité de loin, de haut, fautivement, par un Gaulliste qui semble surtout voulu avoir voulu dire sur quelques pages, que le communisme mène toujours à la catastrophe. Certes, on est d’accord. Mais page 214, on nage dans le grand n’importe quoi, lorsque Tauriac prétend que le général Schneider vient d’être enlevé et tué – en 1973, alors que ceci a eu lieu en 1970 – et que le général Pratts (sic) le remplace. De même, p. 216, l’auteur prétend que Fidel Castro est actuellement en visite au Chili, ce qui est vrai …à deux ans près ! Passé la tentative de coup d’Etat du 29 juin 1973, que Tauriac n’antidate pas, par un hasard un peu grotesque, son alter ego journaliste se retrouve à la Moneda2, le soir du 10 septembre, se fait presque tromper par Veronica saoule – la professeur qu’il baise entre sa fuite loin de Sophie (mais croisée à l’aéroport) et en attendant Katicha (bientôt de retour au Chili) – puis dessoule le matin du 11 septembre pour être aux premières loges de l’assaut du palais présidentiel le jour-même du coup d’Etat.

Autant dire que l’auteur ne fait rien de particulier de cette chance qu’a eue le journaliste d’être là au bon endroit au bon moment. Il transmet quelques informations à son ancien ami et patron à Radio Capitale et survit à l’assaut. Tauriac ne prend aucun risque sur la mort d’Allende, ne prenant parti pour aucune des versions : suicide, assassinat par les Cubains, assassinat par les militaires ou exfiltration discrète.

Arrivé à la page 264, Katicha est revenue au Chili, puis, étant toujours aussi belle et maintenant veuve, derechef emmenée à Paris3 où le journaliste, après son exploit journalistique du 11 septembre, a finalement repris un poste de journaliste. Et commencé un roman qui se nomme Santiago : ce texte, donc, qu’on vient de finir et qui n’a présenté aucun intérêt.

Notes

  1. Les miens pas plus, mais eux essayent de te dire quelque chose, pas uniquement de se raconter, ce qui n’a aucun intérêt puisqu’ils ne sont rien que des idées mis en histoire…
  2. Tauriac ne semble pas connaître la ville puisqu’il écrit que l’hôtel Carrera est à quelques rues du palais de la Moneda, alors qu’il se situait sur la même place que le bâtiment présidentiel…
  3. Veronica la Chilienne, ce n’était que pour s’occuper, donc.