§34. Mains à serrer, encore. Bises. Sourires. Confidences que l’on essaye de m’arracher en vain (certains croient, je suppose, que mes appuis parisiens – comprendre Neruda et Edwards – me permettent d’avoir un poste plus important). Des « tu nous manqueras » inégalement pensés : c’est ma dernière heure au bureau.
— Tu me laisses un contact, une adresse ? J’aimerais bien te revoir, pour savoir si tu fais des progrès lorsque tu manges un sandwich — me demande cette collègue avec qui j’ai fini par très bien m’entendre.
— Je ne peux qu’en faire ! Je n’ose pas croire que je puisse être pire que la dernière fois !
— Non, c’est vrai. Alors, tu as du papier ?
— Ecoute, je ne préfère pas… Je suis avec quelqu’un tu sais, et tu me plais bien… alors je préfère qu’on ne se revoie plus… ne pas être…
— Tu m’apprécies et c’est pour ça que tu ne veux plus me voir ?
— Oui, en quelque sorte. Comme si je t’appréciais en excès. Tu comprends ?
— Comme tu veux. Mais t’es trop bête ! Ben salut, alors.
— Sa…
Elle est déjà partie.
Il me reste à voir le chef d’équipe. Je n’en ai aucune envie, mais je pense que c’est mieux, Santiago est petite, il vaut mieux rester en moins mauvais termes possibles. L’échange est d’ailleurs rapide. Lui aussi, comme Marcia, est tout d’un coup pris d’une grande sympathie pour moi. Il me remercie pour le bon travail effectué, me souhaite tout le meilleur possible pour la suite et parait totalement croire à la version officielle des faits, c’est-à-dire que je parte de mon initiative pour une raison qui m’appartient mais qui est sûrement excellente. Ne pas le revoir ça en serait une bonne, mais ça ne nourrit pas son homme. Si nous devions gagner de quoi vivre dès que nous ne voyons plus un con, nous vivrions dans l’opulence.
Qu’importe. Une page de sept mois est tournée, reste à trouver du papier pour écrire la prochaine, j’en ai d’ailleurs dans ma poche, avec un stylo, que j’avais prévu pour prendre des adresses et des numéros de téléphone. Peut-être même celle de… Allez, je sors de tout ça, demain est un autre jour, j’aurai le temps de réfléchir dans la voiture, car nous descendons à Temuco avec Natalia, revoir Pablito et rencontrer ses parents…