§3. Jean a réussi à trouver la paix et lit.
Juan, lui, bénit les élections qui écartent les maris de leur femme. Un pauvre homme va devoir travailler toute la journée, jusque vers minuit sinon plus, dans la tour du bâtiment Gabriela Mistral sur les gros ordinateurs qui vont comptabiliser les suffrages exprimés dans tout le pays, pendant que sa femme sera entre de bonnes mains. Du moins on l’imagine, mais ça ne coûte rien de flatter Juan. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’ils se voient lors des absences du mari : il faut croire que ses mains la satisfont, donc elles doivent être bonnes. Et puis notre séducteur, malgré le cocu dangereux1, malgré l’histoire terminée en eau de boudin avec Brigitte2, se dit quand même que l’adultère présente de nombreux avantages, puisqu’il permet à un homme d’avoir le meilleur d’une femme sans devoir en gérer le plus prosaïque. Et puis une femme mariée se quitte sans histoires. Messieurs, méfiez-vous des hommes qui n’aiment pas le football, qui trainent dans les gares en charognards espérant consoler un adieu, qui vont seuls au cinéma l’après-midi, … Juan aime le football et ne traine pas dans les gares : méfiez-vous de tous, en fait ! Et militaires, marins, chauffeurs routiers, voyageurs de toutes sortes, soupçonnez par défaut les mâles qui ne sont pas dans vos hiérarchies, qui sont de votre bord, sédentaires, et qui fréquentent malgré tout votre compagnie. Laura ayant décliné le rendez-vous d’aujourd’hui, le mommy-sitter écoute tout de même la radio pour savoir si elle et ses petits copains au logo d’araignée, ce groupuscule évoqué plus haut qui doit parait-il paralyser la capitale, ne sont pas en train de nuire aux élections, ce qui ferait revenir le mari plus vite que voulu. Mais jusqu’à 19h au moins, puisque tout semble bien aller, son seul souci est de prendre du plaisir sans avoir la grossièreté de laisser la charge d’un enfant à cet hôte inconnu qui lui fait l’amabilité d’être absent.