§7. A 23h les dernières estimations tombent, qui ne changent pas beaucoup des précédents. Pour les résultats finaux il faudra attendre demain lundi. On peut néanmoins, pendant ce temps, oser le premier commentaire : sans doute le pire résultat.

Soit une double défaite pour le pays. Et pour l’Unité Populaire puisque – bien qu’elle ait pu remporter la victoire à 36% lors de l’élection à un seul tour de la présidentielle de 1970 – 43% reste résolument inférieur à 55%. Et pour la CODE, qui n’arrivera pas à avoir les deux tiers du Parlement qui lui permettrait de destituer légalement Allende ; le coup d’Etat civil est à ranger aux oubliettes.

Mais aussi, paradoxalement, une double victoire. Et pour l’UP qui augmente sensiblement son score de 1970 ; même si elle s’est un peu arrangée pour modifier la population des votants en intégrant les enfants de 18 ans et les analphabètes (il ne m’appartient pas de juger si c’est légitime ou pas, puisque je sais que Jean et Juan seraient en profond désaccord sur la question). Et pour la CODE, puisque 55% c’est une belle majorité, après tout, et dans beaucoup d’autres pays on ferait la fête pour moins que ça.

A très court terme, finalement, s’il faudra panser quelques plaies et nettoyer des rues balafrées par les évènements de la veille, il n’y a pas eu de cataclysme politique. Patrie et Liberté n’a pas bloqué la ville ; le MIR n’a pas sorti ses griffes, avant-garde violente décidée à être les enfants artificiellement inséminés au Chili de Lénine et de Castro ; les militaires sont restés dans leurs casernes. Rien de tout cela sinon juste une situation qui va être compliquée dans les prochains jours, semaines, mois.

Car ne nous voilons pas la face : à moyen et long terme, cette soirée a cependant surtout un gout de défaite, finalement. Il fallait un épilogue à cette histoire malheureuse qui est en train de se dérouler au Chili, et celui-ci est reporté à 1976. Trois ans encore. Si le pays peut supporter cette tension permanente plus de mille jours, mille jours de 72 heures, temps dilaté, qui va droit vers le mur. Mais lequel ? Celui de Berlin, du coup d’Etat ou de la guerre civile ?

Voilà pour la partie qui ferait plaisir à Natalia – dommage qu’elle dorme lourdement dans les bras d’un Français – la fresque d’ensemble où l’individu est collectif quoiqu’on ne sache pas vraiment quel est le bon niveau de granularité pour atteindre l’indivisibilité de ce collectif-là : pas Santiago en tout cas, dont on a vu grossièrement plus haut les scansions géo-sociologiques ; pas le Chili non plus, tiraillé de la même manière que sa capitale ; pas l’Amérique du Sud, qui n’existe pas politiquement et n’est pas unie politiquement comme l’Amérique du Nord ; pas le monde non plus, à moins de ne pas avoir compris ce qui se passe au Vietnam, dans les deux Allemagnes, ou les légères incompréhensions qui séparent Moscou de Washington.

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