§12.2 [§ écrit par l’auteur-narrateur ; ajout du 28 juillet 1973] Pendant que Juan avait une deuxième vague de doutes concernant sa relation avec Helena, à J-31 avant le coup d’Etat, eut lieu ce dialogue entre Carlos Prats et Salvador Allende :

Prats : — Señor Presidente, je me suis entretenu avec Frei, je lui ai montré nos prévisions électorales de 1969, toutes tout à fait prémonitoires, afin de lui montrer que nous ne sommes pas sots. Je vous prédis à vous, de même, un coup d’Etat dans peu de temps. Je ne tiens plus mes hommes épuisés de tant d’inertie politique… Moi-même je ne tiens à rien, on m’insulte, on me tance, on m’accuse de tous les maux. Mon cas personnel m’est bien égal, je suis un soldat, mais vous, vous avez le pouvoir de décider quelque chose. Qu’allez-vous faire ? Il faut absolument casser ce bloc de droite1, la CODE et replacer la DC dans son rôle central…

Allende : — Et lui redonner un rôle d’arbitre de toute la vie politique chilienne ?

Prats : — Dois-je vous rappeler que c’est grâce à cette division que vous êtes arrivé à la Moneda en 1970, et grâce à leur centrisme qu’aujourd’hui Frei n’est pas à votre place après une combine légale des deux partis de centre-droit et droite ? Enfin, Salvador, voulez-vous vraiment être le Kerenski chilien ?

Allende : — Ah, ne vous inquiétez pas, General Commandante en Jefe de las FFAA.2 Vous savez, en politique nous jouons avec le feu et finissons toujours par trouver des accords lorsque nos poils commencent à sentir le grillé. C’est qu’on est assez douillets dans les cénacles. Savoir compter sur cette couardise vous permet d’anticiper quelles sont les vraies limites à ne pas franchir, bien au-delà de celles qu’on vous trace dans un premier temps…

Prats : — Vous en êtes sûr ?

Allende : — Si tout était connu d’avance la vie perdrait son intérêt, n’est-ce pas ? Frei fera dans ses couches dès que ça chauffera plus…

Il marque un temps et fixe Prats droit dans les yeux, en bombant légèrement le torse et rentrant le ventre.

— Au pire, pensez-vous que Balmaceda aurait mis ce costume pour sa dernière photo de l’Histoire ?

Notes

  1. Gonzalo Vial note avec raison, chapitre 4 de la biographie de Pinochet [2002], que, s’il en reçoit poliment des membres jamais Prats ne discute avec le Parti National. Sans doute à raison puisque l’opposition farouche de ce parti à Allende, n’aurait fait que perdre son temps à cet homme de la « trêve politique », mais c’est un fait.
  2. En espagnol, pour marquer le pluriel, on redouble les lettres d’un sigle. [Note du professeur d’espagnol]

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